Concevoir et encourager un meilleur stationnement des trottinettes électriques à Paris

Les trottinettes électriques ont rapidement trouvé leur place au sein du réseau de transports parisiens. Leur part modale indique des taux de croissance initiale deux fois supérieurs à ceux enregistrés par le système Vélib’ au cours de la première année de son existence. Cela ne s’est pas fait sans difficultés, la ville de Paris explorant la meilleure façon d’intégrer le potentiel de la micromobilité dans ses rues. La municipalité a défini plusieurs objectifs clairs pour réduire l’encombrement de l’espace public et promouvoir un bon stationnement des trottinettes. Le premier est de veiller à ce que les utilisateurs ne se garent pas sur les trottoirs étroits de la ville. Le second est de faire en sorte que les usagers utilisent à la fin de leurs trajets les « emplacements de stationnement obligatoire » conçus à cet effet, qu’il s’agisse des nouveaux emplacements de stationnement que la ville développe spécifiquement pour les trottinettes ou bien des emplacements traditionnellement utilisés par les deux-roues (motos et scooters).

Pour aider la ville à atteindre ces objectifs, Bird a introduit une nouvelle solution, le « stationnement obligatoire », qui utilise des points de référence visuels dans l’application, une navigation en temps réel et des alertes activées par GPS afin de permettre aux utilisateurs de garer facilement leur trottinette sur une place de stationnement approuvée. Pour encourager les bons comportements, les utilisateurs qui se garent dans les zones recommandées sont récompensés par une remise sur leur prochain trajet. 

Nous avons analysé le comportement de stationnement des utilisateurs de Bird et réfléchi aux différentes manières de nous assurer qu’ils soient en conformité avec les règles à respecter en ville. À partir de données anonymisées d’utilisateurs du mois d’août 2019, ainsi que des informations mises à disposition par la ville via Paris Open Data et Open Street Map, nous avons scrupuleusement examiné les choix de stationnement des utilisateurs de trottinettes et l’impact du nouvel outil de Bird sur leur comportement.

Comment avons-nous procédé ?

Les places de stationnement obligatoires se composent des emplacements mis à disposition par la ville de Paris, ainsi que d’autres places identifiées par notre équipe qui respectent les règles de stationnement de la ville (les stationnements pour les deux roues-motorisés). En cartographiant ces places de stationnement, nous pouvons voir comment elles s’intègrent dans le paysage urbain de la ville de Paris.

La carte ci-dessous montre la localisation des bâtiments (tels que le Palais Garnier) dans le quartier de l’Opéra (9^e arrondissement). Les places de stationnement à privilégier en août 2019 d’après Bird sont indiquées en noir ; pour cet exemple, nous allons nous concentrer sur la place de parking symbolisée par une étoile.

Pour chaque place de stationnement à privilégier, nous pouvons utiliser un diagramme de Voronoï afin de définir la « zone de desserte » correspondante (c’est-à-dire le secteur pour lequel cet endroit est la place de stationnement la plus proche). Cela permet d’explorer la densité des places de stationnement à travers la ville.

Puis, pour chaque place de stationnement, nous pouvons examiner les trajets qui relèvent de sa « zone de desserte » ; un exemple, construit à partir de données hypothétiques, est présenté ci-dessous. Nous pouvons ainsi calculer le pourcentage de trajets du secteur qui se terminent ou non sur une place de stationnement recommandée. Les données de localisation des trottinettes sont quelque peu approximatives en raison de la précision limitée du positionnement GPS ; nous estimons qu’elles les localisent à moins de 12 mètres de l’emplacement réel de la trottinette. Nous dessinons donc un rayon autour de chaque place de stationnement afin de déterminer si le stationnement à privilégier a effectivement été utilisé.

Nous pouvons également attribuer des caractéristiques à chaque place de stationnement afin de déterminer si et comment ces caractéristiques prédisent leur utilisation. Par exemple, à partir d’Open Street Map, nous pouvons insérer des informations concernant les points d’intérêt situés à proximité des stationnements, tels que les cafés, les restaurants, les écoles ou encore les bibliothèques. Nous avons également collecté des données sur les types de rue pour indiquer par exemple s’il s’agit d’une rue à sens unique ou d’un axe principal. En utilisant les données de la ville de Paris, nous avons aussi déterminé la distance entre la place de stationnement et les stations de Vélib’ et de métro les plus proches. Nous avons également vérifié si la place de stationnement se situe sur l’un des emplacements officiellement désignés par la ville de Paris et, si c’est le cas, nous avons ajouté des informations telles que le type de véhicules autorisés à stationner à cet endroit, la superficie de la place et sa forme (par exemple, s’il s’agit d’un parking parallèle, perpendiculaire ou en épis).

Enfin, nous avons testé des caractéristiques provenant de notre propre système concernant le trajet et l’utilisateur (anonymisé), permettant de savoir si l’utilisateur roule généralement le week-end ou non, s’il est un usager fréquent, quelle version de l’application Bird a été utilisée et quelle a été la durée du trajet.

En ce qui concerne le trajet, nous utilisons des modèles de régression pour prédire si l’utilisateur s’est garé sur l’un des lieux de stationnement à privilégier en fonction de ces différents ensembles de caractéristiques. Nous contrôlons l’heure, le jour de la semaine et le geohash de la fin du trajet afin de tenir compte de la variation naturelle des données dans l’espace et le temps.

Qu’avons-nous appris ?

Nos premiers résultats montrent que…

L’utilisation d’une place de stationnement à privilégier dépend aussi bien des caractéristiques de cet emplacement que du trajet.

• La probabilité que les trajets débutant à un stationnement à privilégier prennent fin sur un emplacement de même type est de 7,9 % plus forte que pour les autres trajets. Il est possible que le fait de voir une trottinette stationnée sur un de ces emplacements rappelle à l’utilisateur qu’il doit la garer sur un emplacement destiné à cet effet.

• L’utilisation d’une place de stationnement à privilégier est plus faible à la fin d’un long trajet. Il est possible que les usagers soient moins susceptibles de respecter les règles lorsqu’ils sont fatigués.
• Sans surprise, l’utilisation d’une place de stationnement à privilégier est plus faible si ces places de stationnement sont rares. Les utilisateurs se garent plus souvent sur les places à privilégier lorsqu’elles sont proches les unes des autres et lorsque les zones de desserte sont réduites.
• Plus la capacité des places de stationnement (c’est-à-dire le nombre maximal de véhicules par place) est grande, plus l’utilisation de ces emplacements augmente. Pour chaque trottinette supplémentaire qu’une place peut accueillir, nous estimons que le taux d’utilisation du stationnement dans sa zone de desserte augmentera de 0,3 %.
• L’utilisation des places de stationnement à privilégier est plus élevée lorsque celles-ci sont à proximité d’emplacements de stationnement pour vélos et motos. Il est possible que le fait de voir de nombreux deux-roues à proximité rappelle visuellement aux utilisateurs qu’il convient de privilégier ces places de stationnement.
• L’utilisation des places de stationnement à privilégier est plus élevée si elles sont situées à proximité d’établissements scolaires. Pour chaque école supplémentaire située à moins de 200 m d’une place de stationnement, nous estimons que l’utilisation de la place augmente de 0,5 %. Les Parisiens donnent le bon exemple à leurs enfants !

Et après ?

Chez Bird, nous empruntons l’idée de Lessig (2006) selon laquelle le comportement des utilisateurs est régi par quatre grandes forces : la loi, le marché, l’architecture ou le code, et les normes sociales. Paris a introduit la loi sous la forme de règles de stationnement, et nous avons testé les forces du marché en offrant de petites incitations aux utilisateurs qui se garent correctement. En introduisant dans notre application une carte de stationnement (et en jouant avec les caractéristiques de conception de celle-ci et des stationnements), ainsi qu’en étudiant la localisation des places de stationnement, nous avons exploré quelques solutions architecturales permettant d’encourager l’utilisation des places de stationnement à privilégier. La prochaine étape consiste à réfléchir à la manière dont nous pouvons changer les normes concernant le stationnement.

Au mois de juillet, notre première campagne publicitaire a consisté en l’installation de 450 panneaux d’affichage stratégiquement placés dans la ville pour rappeler aux usagers de ne pas garer les trottinettes sur le trottoir et d’utiliser les places de stationnement fixées par la ville. Nous croyons également au potentiel des petits messages de rappel envoyés via l’application durant le trajet. Par exemple, nous pourrions encourager les utilisateurs de trottinette à « rentrer au nid » en garant leur Bird sur un emplacement prévu à cet effet. Ou encore, nous pourrions leur demander de « rejoindre le groupe » et de déposer leur Bird avec les autres trottinettes. Nous espérons que ces petites piqûres de rappel contribueront à éduquer les utilisateurs, à leur enseigner les règles à respecter et à leur montrer que de nombreux autres utilisateurs les appliquent déjà. Nous rappelons par ailleurs aux utilisateurs via l’application et par courriel qu’ils ne doivent pas se garer sur les trottoirs, mais sur les emplacements prévus.

Toutes les nouvelles technologies requièrent une période d’expérimentation et d’apprentissage. Les trottinettes produites par des entreprises comme Bird ne font pas exception. En réfléchissant à la façon de concevoir de meilleurs espaces de stationnement et d’encourager leur utilisation, nous renforçons notre engagement en faveur d’un usage de nos trottinettes en toute sécurité et de façon à bénéficier à tous les utilisateurs. 

Cet article a été rédigé par Katherine Hoffmann Pham, doctorante en systèmes d’information à la Stern School of Business de New York University, et Laurence Wilse-Samson, directeur des recherches stratégiques chez Bird.

1. La norme GPS américaine implique que la télémétrie a une précision d’un rayon de 5 mètres dans le meilleur des cas, et cette précision diminue à proximité des bâtiments et dans les zones urbaines congestionnées.
2. Nous avons testé des modèles différents en fonction de la durée du trajet, de la distance entre deux places de stationnement, de la taille de la zone de desserte de la place de stationnement et de la capacité de la place. Bien que ces facteurs soient corrélés, nos résultats sont cohérents lorsque nous testons également un modèle unique regroupant tous ces facteurs, ce qui suggère que chacun d’entre eux est un important facteur permettant de prévoir l’utilisation du stationnement à privilégier.